Après qu'une carte a été choisie ou pensée, le jeu est posé à plat (sur la main, la table ou le sol) : il s'ouvre alors tout seul et la carte préalablement choisie en jaillit. Voilà en substance l'effet du jeu hanté (ou Haunted Deck en anglais). Les versions récentes très médiatisées de cet effet (de Finn Jon à Damien Savina, en passant par Michael Close, Jon LeClair et Nicholas Einhorn) pourraient faire croire que l'idée est également récente. Il s'agit pourtant d'un tour très ancien, pratiqué au moins depuis le XVIe siècle, et dont nous nous proposons de retracer les principales étapes.
400 ans d'histoire, de Colorni à Baker
Selon le témoignage de l'auteur italien Tommaso Garzoni (fin du XVIe siècle), son contemporain Abraham Colorni, ingénieur à la cour de Ferrare, réalisait nombre de prodiges avec un jeu de cartes. Il nous livre ainsi une description passionnante du répertoire du manieur de cartes : prédire le choix d’une carte, transformer une carte dans la main d’un spectateur, mais aussi faire « qu’une carte librement nommée par l’un des spectateurs à sa volonté sorte du jeu de cartes » (1). Cette description lapidaire ne nous permet pas de savoir précisément si, au moment où la carte nommée sort du jeu, le jeu est à l’horizontale ou à la verticale, s’il est dans la main ou sur une table, ni d’envisager avec quelque certitude le secret employé, mais il pourrait bien s'agir de l'ancêtre du jeu hanté.